Tblissi, jours de trève dans la capitale de la Géorgie

Novembre est à nos portes, et après presque 7 000 km de notre rythme lent et curieux, on peut clore un autre chapitre. Nos détours caucasiens s’achèvent avec un intermède paisible, où l’on délaisse nos montures pour lire, écrire et déambuler sans carte et sans presse dans la quiétude des ruelles pavées et les grandes avenues trop peuplées.

Cité désirable au carrefour de l’Europe et l’Asie, étape clé sur la route de la soie, au Moyen Âge, Tbilissi fut tour à tour envahie et développée par les byzantins, les perses, les arabes, les mongols, les turcs ottomans. Marquée par l’influence russe et européenne lors des deux derniers siècles, elle devient une capitale cosmopolite où cohabitent les cultures : mosquée à quelques mètres d’une synagogue, bazars perses et arméniens, quartiers allemands, villas russes et polonaises, immeubles soviétiques.

Les murs de la capitale sont les vestiges de ce riche passé : vieilles églises orthodoxes aux pierres polies par le temps, fenêtres aux entourages patinés, façades Art Déco dont restent ornements et vitraux, larges villas aux balcons de bois finement ouvragés, galeries vitrées dont la vigne généreuse surplombe les entrées, arrière-cours vertes et paisibles où paressent les chats, sous le balancement régulier du linge sur les cordes entrecroisées…

Hors saison, feuilles d’or et ciel clair, la désuète poésie des rues escarpées et sinueuses de la vieille ville perchée nous touche et les touristes ont presque tous désormais déserté.

Le temps reprend ses droits, et certaines maisons semblent sur le point de s’effondrer, les ronces envahissent quelques fois les cours et les escaliers, les crevasses écrivent au fronton des villas le douloureux récit de ceux qui sentant la chute prochaine venir n’ont pu que les abandonner. C’est beau, et désolant aussi, de contempler longuement ces édifices aux splendeur en sursis, façades défraîchies confiant au voyageur attentif leurs histoires qui s’érodent et peu à peu s’oublient. On voudrait tout garder, capter, avant l’inexorable déclin, avant que ne s’écroulent tour à tour ces maisons aux carreaux fissurés qui vacillent et vieillissent, s’usent et pourrissent, gardant pourtant intacte leur ancienne majesté.

Tbilissi est une ville qui se livre doucement, exige patience et humilité, confiant à ceux qui la parcourent avec l’envie d’explorer les traces vives de quinze siècles d’histoire, mais aussi d’infinis trésors dans l’ombrage discret de ses cours en retrait, des heures de calme et de joie, la grâce sans âge des balcons suspendus, un foisonnement de détails singuliers à chaque fois que nos regards se posent, une vie qui bruisse et fleurit dans les rues arborées où s’inventent rencontres quotidiennes et tout petits marchés, les étals colorés de boutiques ancienne au charme suranné, les fissures, le bois qui craque et le feuillage épais.

Il en faudrait du temps encore, pour en dessiner les lignes, saisir ce poudroiement dorée sur les arbres en sursit d’un automne qui chute, d’un hiver qui s’annonce et balayera bientôt ce qui nous reste au corps de de chaleur.

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