Une tresse

Il y a de ces rencontres aussi belles qu’éphémères, qui ont l’éclat bref et vif de ce qui fanera déjà le lendemain, mais dont le parfum tenace nous habitera longtemps. D’autres qui font sourire et s’éteignent après à peine quelques pas.

Ces fugaces échanges de bout de chemin, où les mains dansent et où les yeux doux questionnent, caressent et encouragent, portent l’âme et le corps un petit peu plus loin.

Il y a les enfants qui entremêlent leurs tumultes radieux de timides questions dont on ne saisira pas le sens, mais dont on retiendra la musique dans les syllabes rondes, sucrées, flottantes. Il y a cette facilité presque déconcertante pour parfois se comprendre, jouer, apprendre à désigner les choses, les liens, les sentiments. Tu es chez toi, ici.

Il y a les heures mauves qui s’allongent sur un tapis brodé, dans ce salon où, pour nous saluer, défile en lente farandole tout le village devant nos mines éberluées.

Il y a aussi tout de qui se dresse entre nos corps épuisés et de certains humains, quelques aspérités : l’attitude rude et dominante de certains hommes, la bêtise, la vitesse, l’alcool, les gestes que pour oublier vite on nommera « déplacés », le bruit, les chauffards qui nous frôlent par amusement ou simple méchanceté. Ces rencontres qui ne se font pas.

Il y a les prénoms, ces poèmes minuscules, savourés, qui désigneront à jamais la poignée d’heures ou de jours que nous avons partagé, Marko Arlette Yesim Paolo Jožica Deng Supriti Firdavs Tatiana Dhruv …

Il y a ces silhouettes familières aperçues au lointain, que l’on rit tant de fois de confondre avec un cheval chargé : les nomades à vélo qui parfois deviendront nos copains, nos ami.es, c’est si simple et naturel de s’allier quand on partage le goût de l’essentiel et le désir de se donner le temps… de ne pas le laisser filer.

Trois fois, on s’assemble pour quelques jours de route, des bivouacs rêvés, des longs échanges où l’on se sent liés, quelques blessures, des dessins et des kilomètres pédalés. Et nos voies bifurquent, tout s’ouvre: on se sépare le cœur léger, plus forts désormais d’une belle amitié, de ces attachements libres et vrais, que ni l’extension du territoire ni celle de la durée ne pourront tout à fait venir disloquer.

Il y a l’évidence, les visages que l’on reconnaît, nos familles, nos ailés, les voix que l’on entend chanter dans le silence épais d’un pan de désert à traverser. Les ami.es, de part et d’autre d’un océan, qui viennent à tant nous manquer.

Longue tresse, joliment nouée, entre les êtres qui éclairent la lente traversée : ceux et celles qui nous ont donné l’envie de partir, l’inspiration ou la poussée, les âmes claires qui peuplent le chemin, ouvrent la porte, le sens, un fragment de leur quotidien, les frères et sœurs d’épopée, ces allié.es que parfois un virage fait surgir et qui avancent épaule contre épaule dans les dures montées.

Et puis il y a les racines, les amours, les phares ; vous, ces ancrages de l’autre bout du monde, qui nous soutiennent, nous attendent, nous enchantent, partagent nos errances et voguent souvent à nos côtés.

S’entremêlent les boucles de nos humanités.

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